Bois vert, bois sec
« Car si l’on fait cela au bois vert, qu’arrivera-t-il au bois sec ? » (Luc 23, 31)
Le passage de la saison morte au printemps est propice à la méditation sur la passion du Christ.
En parcourant le jardin, on découvre au fond de ce dernier la fraîche verdure côtoyant un amas de bois sec. La sève qui monte, les jeunes pousses et les bourgeons qui font leur apparition, annonce un nouveau printemps. Il serait totalement aberrant de faucher cette vitalité et d’abattre le bois vert, plein d’énergie et promesse de bons fruits.
En condamnant l’Innocent, en tuant des innocents, on touche à l’horreur absolue. Si la vie d’un innocent ne compte pas plus que ça, le pire est à attendre.
Jésus, par son martyr, invite celles et ceux qui assistent à son chemin de croix à considérer leurs propres conditions. « Ne pleurez pas sur moi ; mais pleurez sur vous… »[1] Il les renvoie à leur sort d’êtres humains, capable de couper le « bois vert » et par conséquent des pires crimes contre l’humanité.
Dans sa mort, Jésus le Christ s’est solidarisé avec toutes les souffrances humaines. Mais il a surtout ouvert une nouvelle voie. Non, la violence n’est pas une fatalité. Non, la guerre n’est jamais une solution. Non, le réarmement n’offre aucune espèce de sécurité. Non, la destruction de nos ennemis ne nous garantit pas un avenir.
Boris Cyrulnik note à la fin de son dernier ouvrage[2] : « L’histoire humaine est remplie de catastrophes climatiques, épidémiques et guerrières. Quand tout est détruit, il faut bien reconstruire. Plusieurs chemins s’offrent alors :
- Remettre en place les conditions qui ont mené à l’effondrement.
- Tomber amoureux d’un dictateur qui promet le bonheur à condition de tuer des milliers de mécréants.
- Ou bien se remettre à vivre dans une autre direction.
Devinez quel est mon choix. »
[1] Luc 23, 28b
[2] Boris Cyrulnik, Quarante voleurs en carence affective. Bagarres animales et guerres humaines. Odile Jacob, 2023.