À qui la faute?

« Mais il demeurera dans des villes détruites, dans des maisons inhabitées, prêtes à tomber en ruine. » (Job 15, 28)

Pour les amis de Job, les pertes et la ruine soudaine de celui qui est présenté comme « le plus grand de tous les fils de l’Orient »[1] ne pouvait avoir qu’une explication : Job a fauté. Et même s’il se défendait d’avoir péché contre Dieu, Eliphaz déclare : « …c’est ta faute qui commande ta bouche… c’est ta propre bouche qui te condamne. »[2] En s’appuyant sur la sagesse populaire[3] qui prône que la méchanceté de l’homme cause sa perte et son malheur, les allégations d’Eliphaz suivent le même raisonnement.

Pourtant, cette logique rétributive est mise à mal par le livre de Job. Le malheur qui le frappe n’a pas d’explication si ce n’est un étrange dialogue entre le Seigneur et l’Adversaire[4]. On a bien davantage l’impression que c’est l’ironie du sort qui frappe Job.

La destruction, la ruine, le malheur survient et on n’y peut rien. C’est rageant ! Normal donc qu’on cherche une interprétation. Et celle-ci prend souvent la forme d’une question piège : À qui la faute ? Sûr de ce fait, on échafaude alors volontiers un raisonnement qui dédouane ou condamne.

Mais la vérité est ailleurs. La descente aux enfers de Job et son relèvement atteste d’une chose : la fidélité d’un Dieu qui n’abandonne en aucun cas à son malheur celui qu’il a créé.

Tout le monde constate la présence du mal et son action dévastatrice. Loin d’être une fatalité, on peut découvrir, comme Job, en dépit de tous ceux qui s’évertuent encore et toujours à trouver un coupable, cette lucidité salutaire : « Je sais bien, moi, que mon rédempteur est vivant, et qu’il se lèvera, le dernier… »[5]

L’Adversaire n’aura pas le dernier mot. Ses jours sont comptés, son pouvoir limité. Un jour viendra où l’Adversaire sera définitivement vaincu. En attendant, on peut toujours cultiver la sagesse et l’humilité de ne pas savoir et oser l’empathie.

[1] Job 1, 3

[2] Job 15, 5-6

[3] Job 15, 17-18

[4] Job 1, 6-12

[5] Job 19, 25

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