Me vois-tu ?

L’histoire de l’esclave égyptienne Hagar, de sa maîtresse Saraï et de son mari Abram est une dramaturgie biblique qui nous questionne. Comme souvent, la Bible ne porte pas de jugement sur l’attitude des uns et des autres.

Esclavage, exploitation sexuelle, maltraitance, exclusion, sont quelques-uns des thèmes présents dans cette histoire et qui passent mal dans notre contexte de « cancel culture[1] » et de « wokisme[2] ». Certes, le décalage culturel est important et on ressent bien la distance qui nous sépare d’un récit aussi ancien, d’où la nécessité de l’interprétation.

Un élément apparaît qui mérite réflexion : l’accompagnement et l’empathie de Dieu et de son messager vis-à-vis d’Hagar et de son fils Ismaël.[3] L’attention, l’intérêt, les encouragements et les soins octroyés par Dieu indiquent aux lecteurs que face à la dureté des rapports de domination qui peuvent exister entre les êtres humains, il faut toujours veiller à garder les yeux ouverts.

Dans ce sens, être « éveillé » ne consiste pas à essayer d’annuler ou d’effacer les individus ou les groupes d’oppression, mais de « voir » et de se tenir à côté des oppressés. Être conscient des injustices, les dénoncer et agir pour les corriger est sans doute utile. Mais ce qui fait véritablement la différence, c’est cette capacité divine donnée aux êtres humains à écouter, à regarder, à accompagner les « Hagar » de notre société.

Et « voir » la victime d’une injustice, c’est aussi lui faire confiance et croire au potentiel de résistance et de résilience qui l’habite. Être vu, reconnu, entendu peut remettre debout et changer la trajectoire d’une vie !


[1] La cancel culture (de l'anglais cancel, « annuler »), aussi appelée en français culture de l'effacement ou culture de l'annulation, est une pratique apparue aux États-Unis consistant à dénoncer publiquement, en vue de leur ostracisation, des individus, groupes ou institutions responsables d'actes, de comportements ou de propos perçus comme inadmissibles.

[2] Le wokisme est un mouvement social qui a émergé aux États-Unis, suite à celui des « Black Lives Matter ». Issu de l’anglais et du mot « woke » pour « awake », qui signifie « éveillé », cette idéologie désigne le fait d’être conscient des problèmes de justice sociale et du racisme au sein de notre société. Les personnes qui se revendiquent du « wokisme » sont donc considérées comme étant « woke ».

[3] Genèse 16, 7-8 et 22, 17-21

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